Dans un précédent billet j’ai évoqué la question de l’utilisation de nos données personnelles dans le monde numérique et des risques que cela faisait peser sur la protection de nos vies privées. Et bien aujourd’hui, nous allons plutôt envisager le côté positif de l’utilisation des données avec le grand mouvement de l’open data, que l’on traduit en français données ouvertes, mouvement de libéralisation des données publiques qui a le vent en poupe actuellement en France et dans le monde. En effet, ce mouvement propose la mise à disposition gratuite et transparente d’un ensemble de données publiques qui permet la création de nouveaux services publics, stimule l’activité  économique et renforce la démocratie.

Un exemple simple et très parlant comme le sympathique projet Eaupen qui recense et cartographie sur une application en ligne les points d’eau, fontaines, sources dans la département de la gironde pour permettre à chacun de boire gratuitement et de fait de réduire les déchets de bouteilles en plastique.

Une autre application, Fourmi Santé permet de touver un professionnel de santé et de connaître immédiatement le niveau de remboursement auquel on peut prétendre, ceci grâce aux données publiques disponibles sur le site de l’assurance maladie ameli.fr et à la géolicalisation. On a donc la possibilité de comparer en direct les différences de tarifs qui sont parfois étonnantes au niveau d’un même quartier.

Une autre application très utile du portail Handimap qui utilise toutes les données cartographiques relatives aux situations de handicap comme les places de parking réservées, les carrefours à feux sonores, les arrêts de bus ou de métro accessibles aux feuteuils roulants ou encore les surfaces podotactiles, et les met à disposition sur une application mobile.

Enfin, toujours dans les villes, le projet d’une jeune start-up nantaise, Parking Nantes qui utilise les données des gestionnaires de parking pour savoir en temps réel où se trouvent les places de parking libre à partir de son téléphone mobile.

Potentiellement, toute donnée publique est donc ré-utilisable pour créer de nouveaux services?

En théorie oui, à part bien sûr des données confidentielles liées à la sécurité nationale, et des données dont certains contrats interdisent la diffusion publique.

De multiples projets de services nouveaux sont donc en cours de mise en place aujourd’hui. Ils utilisent des données très variées comme des photos aériennes, des données vectorielles sur les routes et les bâtiments, de nombreuses cartographies d’infrastructures enterrées comme par exemple les réseaux d’eau et de télécommunication. Mais aussi les données concernant les flux de transports, les stationnements, l’éclairage public, le nombre d’arbres dans une ville. Bref, les données sont partout sur presque tout et stockées parfois depuis très longtemps. Cette libéralisation des données permet aussi de savoir qui dispose de quoi sur un territoire ce qui constitue une autre information importante

Quels sont les bénéfices de cette libéralisation des données ?

Par définition l’open data est anti-monopolistique et permet donc d’optimiser de nombreux process et de faire des économies. Comme par exemple en Grand Bretagne où le croisement des données publiques ouvertes a permis la réduction de 30% de la consommation d’énergie en seulement deux mois. Et puis on le voit avec ces nouveaux services qui émergent, le simple fait de libérer ces données, libère aussi la créativité et l’imagination de start-up qui imaginent les potentiels services qui peuvent découler de l’utilisation de ces données, que ce soit dans des logique d’économie, de protection de l’environnement, d’amélioration de services sociaux ou de diffusion culturelle.

Mais pourquoi ces données n’ont pas été disponibles avant ?

Pour avoir travailler dans une administration publique sur ces questions, je pense qu’une culture du secret des données publiques a toujours existé, parfois d’ailleurs dans un souci de protection de la confidentialité. Il existe aussi un certain archaïsme des services publics qui n’ont pas pris le tournant de l’administration électronique et aussi certaines des logiques commerciales qui ont longtemps confiné dans l’anonymat ou dans le giron de sociétés privées des données appartenant à tous. Au-delà de ces conservatismes et de ce retard je crois aussi que tout simplement, les ingrédients pour que ces données deviennent des services n’étaient pas tous réunis

Et quelle est la recette pour transformer une donnée publique en un service vraiment utile ?

C’est une question très importante car toute donnée ne créent pas un service pour autant. Il faut d’abord que cela corresponde à un réel besoin, pas encore pourvu. Ensuite, il faut utiliser un système cartographique géolocalisé. Il faut souvent réaliser un énorme travail de traitement de ces données qui ne sont pas forcément exploitables pour le grand public. Enfin, il faut ensuite faire un travail de mise à disposition des données auprès du grand public via des applications diverses, sur Internet, par des applications mobiles et si possible gratuites. Il faut aussi trouver aussi un modèle économique qui rémunère ce travail et ce n’est pas toujours simple.

Et puis, il reste un défi que je trouve particulièrement intéressant, c’est celui de mailler ces services publics en ligne avec la force des réseaux sociaux, c’est à dire la capacité des citoyens à alimenter ces sources d’informations, les optimiser, les mettre à jour. On peut dire qu’une nouvelle forme de citoyenneté électronique peut se construire autour de ces biens communs numériques.

Existe t-il quand même certaines limites à cette libéralisation des données ?

Comme toutes choses, il existe parfois des limites liées à l’esprit dans lequel on réalise certaines innovations. Par exemple site BeenVerified.com indique les adresses des délinquants sexuels répertoriés et Whoslobbying croise les agendas des ministres aux rendez-vous qu’ils ont avec les milieux d’affaires. La technique de croisement des données est bien connue mais elle peut être vite dévoyée et laisser libre cours à des initiatives très contestables.

De même, on peut à nouveau se poser la question, de la confidentialité de certaines données comme cela fut le cas avec Wikileaks qui proposait à certaines agence de presse de diffuser le contenu de cables diplomatiques au nom de la transparence.

En fait, cela peut paraître paradoxal mais il peut y avoir une forme de tyrannie dans la volonté de la transparence absolue. Je pense donc qu’il est souhaitable qu’un dialogue s’instaure entre les parties prenantes pour inventer ensemble les dispositifs de données ouvertes au public, je veux dire, les politiques, les services administratifs, les entreprises et bien sûr les citoyens.

Encore un vaste chantier à construire…

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