Alors que les fans d’Apple passe la nuit dehors pour acquérir avec frénésie le dernier Iphone, des millions d’euros sont gaspillés chaque année dans l’envoi souvent illégal de milliers de tonnes de déchets électroniques en dehors de nos frontières. Près de deux milliards d’ordinateurs sont aujourd’hui en circulation dans le monde et il y aura bientôt sur terre presque autant de téléphones que d’êtres humains. Les nouveaux supports numériques ne se substituant pas exactement aux anciens, ils s’additionnent le plus souvent de façon vertigineuse. Il n’est ainsi pas rare de posséder un ordinateur fixe, un ordinateur portable, un téléphone fixe, un mobile (ou deux), une tablette tactile et l’ensemble des périphériques nécessaires à tous ces équipements électronique

Cette consommation effrénée est source d’un gaspillage d’un nouveau genre que l’on appelle e-waste ou gaspillage électronique  Entre l’obsolescence programmée des outils numériques et la véritable dictature du neuf imposé par le marketing et les offres subventionnées de matériel, les consommateurs ignorent bien souvent l’immense gâchis économique et écologique qui se cachent derrière les merveilles technologiques qu’ils utilisent.

En quoi peut-on parler de gaspillage électronique ?

Pour bien comprendre l’ampleur de ce gaspillage il faut connaître ce qu’on appelle l’empreinte environnementale des produits électroniques et pouvoir la comparer à d’autres produits. Or la fabrication d’un ordinateur et son transport génèrent une empreinte environnementale énorme. C’est presque plus d’une tonne de Co2, l’équivalent de ce que produit un africain en une  seule année. Tout cela pour un seul ordinateur.

Mais surtout, Il faut compter environ 100 fois le poids de l’ordinateur en matières premières : 373 litres de pétrole, 2.800 kg de matières premières (dont 1.500 litres eau), 22 kg produits chimiques. Et la fabrication génère 164 kg de déchets dont 24 kg hautement toxiques. Au final il y a donc plus de déchets toxiques que de produit fini ! Au delà de ces chiffres qui donnent la mesure de ce poids environnemental, il faut également savoir que les produits électroniques, que ce soit les ordinateurs ou les téléphones portables contiennent des métaux très précieux comme l’or bien sûr mais également ce que l’on appelle les terres rares, qui comme leur nom l’indique, ne trouve que dans de très rares endroits dans le monde et en de très faibles quantités.

Mais le véritable gaspillage ne réside pas dans la composition très précieuse mais plutôt dans la durée de vie extrêmement courte de ces biens d’équipements sil l’on compare par exemple à une voiture, dont l’utilisation moyenne est d’environ 14 ans alors que celle d’un ordinateur se situe plutôt entre 3 et 6 ans et celle d’un téléphone entre 3 ans et 6 mois !!

Et ce qui est le plus troublant dans cette histoire c’est qu’il est presque incongru d’acheter un ordinateur ou un téléphone d’occasion, alors que cela existe dans presque tous les domaines.

Quelles sont les raisons d’un tel gaspillage ?

Ce qu’on appelle la loi de Moore explique que depuis 40 ans la puissance des microprocesseurs double tous les dix-huit mois. De fait, les cycles de vie du matériel informatique se réduisent sous l’influence des stratégies mise en place par ce que j’appelle les «3P» : les producteurs de matériel, les fabricants de processeurs et les éditeurs de programmes. Ces industriels ont basé leur modèle économique sur une course à la puissance du matériel, chacune des trois parties ayant intérêt à ce que le matériel soit obsolète le plus vite possible pour vendre de nouveaux équipements.

Cette obsolescence est programmée car elle est savamment organisée. Que ce soit au niveau de la compatibilité du matériel, de ses logiciels, qu’au niveau du marketing, très agressif, qui arrive à faire passer des merveilles technologiques pour des objets totalement ringards alors qu’ils n’ont que six mois.

Nous n’avons souvent même pas le temps d’utiliser un dixième du potentiel de ces outils avant d’en changer !!

De plus, ce système pervers repose sur un modèle économique assez particulier qui est celui de la subvention,système de financement un peu opaque renforce cette course à la puissance et à l’obsolescence du matériel. Vous achetez ou vous croyez acheter un téléphone à 1€ alors qu’il peut en valoir près de 600.

Quels sont les conséquences d’un tel gaspillage ?

Ce qu’il faut savoir, c’est que près de la moitié de ce qu’on l’on appelle les déchets électriques, électroniques et électroménagers ou les DEEE s’échappent du territoire national et sont exportés de façon plus ou moins légal vers les ports des grandes villes africaines. C’est un véritable désastre environnemental pour ces villes qui ne disposent pas d’infrastructures de traitement de ces déchets qui, je le précise contiennent bien sûr des métaux précieux mais aussi des substances extrêmement toxiques.

C’est surtout un immense gâchis pour nous car nous avons payé très cher l’acquisition de ces outils même si parfois nous avons l’impression trompeuse de les acheter pour un euro seulement. L’or, l’argent, le cadmium ou l’indium, ces terres rares contenus dans les téléphones portables, représentent de façon additionnée des millions d’euros dont nous nous débarrassons un peu vite.

Comment limiter ce gaspillage et ses conséquences ?

Et bien la solution qui paraît la plus simple est tout simplement d’améliorer leur recyclage. D’une part en permettant un meilleur réemploi de ce matériel par l’allongement de leur durée de vie au maximum par l’utilisation des logiciels libres et l’organisation de véritables filières de réemploi. Cela se développe très bien en France avec par exemple une entreprise d’insertion spécialisée d’Emmaüs qui s’appelle les Ateliers du Bocage et qui permet le réemploi et le recyclage durable des ordinateurs. Alors heureusement les entreprises ont récemment pris conscience de ce gaspillage et ont mis en place des systèmes de reprise et de revente du matériel d’occasion pour les consommateurs qui ne souhaitent pas avoir toujours en main le dernier cri et qui veulent juste téléphoner. On peut donc se tourner vers des offres d’occasion, revendre son matériel sur des sites spécialisés et surtout amener ses anciens équipements dans les déchèteries.

Il faudrait aussi que les entreprises sollicitent beaucoup plus les nombreuses entreprises de recyclage locale, petites ou grandes, qui créent de l’emploi, évitent des transports coûteux du matériel à travers le monde et permettent bien souvent une réutilisation locale du matériel plutôt que de vendre pour des sommes symboliques leur parc informatique obsolète à des brokers peu scrupuleux qui eux l’exporteront vers des pays à bas coût de main d’oeuvre où les gens savent que ces déchets valent de l’or !!!

Quelques projets exemplaires à côté de chez moi, pensons global, vivons local !

Et bien nous avons tout d’abord une des usines les plus modernes de France à Feyzin, inaugurée il y a déjà deux ans par SITA DEE qui est spécialisée dans le traitement de ces déchets électroniques et qui accueille près d’un tiers de salariés en insertion.

Et puis toujours dans le sud du Rhône, la maison de la formation de Grigny anime depuis 3 ans le projet Ordinateurs Solidaires qui propose une véritable chaîne de solidarité numérique entre les détenteurs de parcs informatiques, les entreprises d’insertion qui recyclent le matériel et des associations ou des écoles qui ont besoin de ce matériel d’occasion.

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