A l’approche des fêtes de Noël les consommateurs français s’apprêtent à consommer massivement sur Internet. D’ailleurs près de la moitié d’entre eux se disent près à se passer d’un lieu de vente physique ! Finis la queue dans les magasins, les bousculades et le stress de dernière minute ? Pas si sûr. Autre statistique révélatrice d’un changement profond de comportement, 80 % des internautes ont déjà acheté en ligne et la même proportion prépare ses achats sur Internet. Il est donc temps pour les professionnels du commerce et du marketing de revoir leurs stratégies et de s’adapter à cette évolution majeure de la consommation. La zone de chalandise est devenue virtuelle et c’est désormais en ligne que se joue le marketing avec de nouvelles techniques, de nouvelles pratiques et de nouveaux comportements.

En quoi le commerce en ligne est-il fondamentalement transformé par ce passage obligé en ligne ?

Le client considère, à tort ou à raison, que désormais, le vendeur est moins rapide qu’un moteur de recherche, moins complet qu’une fiche produit qu’il trouvera en ligne et moins fiable qu’un ami sur Facebook. Du coup une nouvelle pratique s’est généralisée le ROPO : comme Research On Line Purchase Off Line : je cherche en ligne et j’achète sur-place. Le virtuel et le réel ne s’opposent pas comme on aurait pu le croire. Ils se complètent. Nous avons encore besoin de magasins, d’un contact physique avec les produits et d’un échange avec le vendeur ou la vendeuse, ouf ! Du coup les marqueteurs ont mis en place des stratégies qu’ils appellent le « web to store » : littéralement du web au magasin. Comme les internautes font en moyenne plus de 2 recherches sur les prix, la disponibilité des produits, les horaires d’ouverture ou encore l’emplacement du point de vente, il faut s’adapter. Et être présent sur ces nouveaux parcours d’achat.

Le marketing doit donc aussi s’adapter à ces nouvelles pratiques de consommation, quels en sont les principaux changements ?

Globalement, le marketing s’est longtemps appuyé sur la théorie de la ménagère de moins de 50 ans. On fait des enquêtes, des sondages et on fait des moyennes, on crée des profils, des cases, bref ce que le marketing appelle des cibles. Et ensuite, on arrose, un peu comme le jardiner qui ensuite, attend que ça pousse. Et souvent c’est assez grossier : boîtes aux lettre inondées de prospectus, appels intempestifs de démarcheurs, et bien sûr publicités à la télé. L’arrivée du web a longtemps été perçue comme un nouveau canal de diffusion. On envoyait des prospectus ? Et bien on va envoyer des mails. On payait des spots à la télé ou à la radio ? On va financer des bannières sur le web, des pubs avant une vidéo sur Youtube ou un podcast. L’un pouvant d’ailleurs se cumuler à l’autre bien sûr, selon la règle encore vérifiée que le virtuel ne s’oppose pas au réel. Mais ce simple transfert de canal a été bouleversé par deux phénomènes : l’avènement des big data, ces données que l’on collecte et qu’on analyse pour mieux cibler les internautes et surtout un changement de comportement des internautes, qui, comme nous l’avons vu, adapte leurs comportements à l’ère numérique. Ras le bol d’être inondé de mails et de spam, l’arrosage massif en ligne ne marche pas, ne marche plus, bienvenu dans l’ère de l’inbound marketing, c’est à dire du marketing entrant.

Que change ce nouveau type de marketing ?

On inverse la logique. Au lieu d’aller à la rencontre du client, on l’attire. Du coup c’est le marketing n’est plus intrusif, ce qu’on lui reproche souvent. Il devient plus subtil. L’enjeu est d’attirer le consommateur sur son site et de convertir ensuite cette visite en achat. Du coup les vendeurs doivent mettre à profit l’expertise qu’ils détiennent sur leurs produits et services. Si je vends des produits bios, je vais tenir un blog sur ce sujet, essayer de devenir une référence dans ce domaine en produisant du contenu informatif, utile et divertissant. Ce sont les trois critères qui assurent d’être lus. Ensuite, je vais essayer d’harponner le lecteur en lui donnant accès à un contenu plus riche (télécharger le guide des produits bio) en échange de ses coordonnées. J’aurai donc à l’issu de ce long travail un contact réellement qualifié, à qui je pourrai ensuite envoyer une offre en ayant plus de chance de convertir ce prospect en client. Bref, c’est le bon vieux conseil du vendeur que l’on vient chercher dans le magasin qui se virtualise.

Dans la même veine, les tutoriels vidéos sont de très bons exemple d’inbound marketing. Si je tape sur Google, (ce que nous faisons de plus en plus pour tout et n’importe quoi), pour savoir comment installer un grillage de jardin, j’ai de très forte chance de tomber sur un tutoriel d’une grande marque du bricolage qui a eu l’intelligence de comprendre que ses clients avaient besoin d’aide et qu’ils pouvaient désormais leur fournir à distance, en une seule fois, grâce à la vidéo. Evidemment, avant de démarrer l’explication technique, une liste du matériel nécessaire pour poser son grillage est donnée, histoire de préparer l’internaute à son futur achat, une fois qu’il aura bien compris comment poser son grillage.

Enfin, autre exemple intéressant, de nombreux produits s’affichent désormais en photo sur le réseau social Pinterest, très fréquentée par les femmes qui veulent voir les produits mis en valeur sur ce réseau social, avoir l’avis de leurs copines, avant de craquer dans un magasin ou en ligne.

Le big data change t-il aussi l’approche de marketeurs ?

C’est la grande révolution du commerce et du marketing. Plus besoin de faire des moyennes, souvent grossières et fausses, car nous sommes entrés dans le marketing personnalisé, en temps réel, social et géolocalisé. N’oublions pas que l’Internet a sa trinité : on l’appelle le SO-LO-MO comme social, local et mobile. Du coup les données de ces trois dimensions sont précieuses pour mieux comprendre tous les comportements des acheteurs. Les internautes consommateurs sont situés géographiquement et c’est important de savoir où pour rendre efficace le web to store. Ils sont sociaux c’est à dire qu’ils ont une vie social dans les réseaux sociaux où ils partagent leurs goûts, avis, critiques. Et puis, ils sont bien sûr mobiles puisqu’internet est devenu majoritairement mobile depuis la démocratisation des Smartphones et des tablettes.

La collecte, l’analyse et le traitement des données sont donc un défi et une mine d’or pour les commerçants qui peuvent désormais tout connaître de leur prospect ; Enfin en théorie car l’exploitation de ces données n’est pas si simple car elle nécessite des technologies puissantes que seules les grandes plateformes détiennent actuellement.

Quelles conséquences et quelles perspectives de ces changements ?

En théorie nous devrions donc être moins sollicités, mieux ciblés et ce que nous vendent les marketeurs d’Internet est un paradis où nos moindre désirs seraient immédiatement compris et analysés par les machines qui nous proposeraient le produit ou le service de nos rêves, au prix que nous voulons, dans la bonne taille et la couleur et accessible tout de suite et au bon endroit…

Dans la réalité, nous sommes encore largement envahi par le spam, et les autres canaux de marketing ne se sont pas arrêter d’un coup. On peut dire qu’Internet a même amplifié la publicité et le marketing de part son accessibilité, ses nouvelles techniques et les faibles coûts de mise en œuvre (il est moins cher de faire de e-mailing et des campagnes Facebook hyper ciblées que du publipostage papier dans les boîte aux lettres).

Disons que nous sommes dans une phase de transition où les anciennes techniques cohabitent avec les nouvelles, se superposent et se complètent. Les promesses du webmarketing sont très intéressantes mais posent d’autres problèmes comme par exemple celles de la propriété et de l’utilisation des données personnelles qui sont collectées en ligne.

Enfin, et cela vous concerne Lucie, de plus en plus de journalistes sont sollicités pour écrire des articles sur les produits et les services, pour fournir l’expertise nécessaire pour attirer les clients sur tous ces sites qui ont besoin de bons contenus, bien rédigés, crédibles et riches d’information. Le publi-reportage ne date pas d’hier, certes, mais l’évolution des techniques du web marketing, comme nous l’avons vu avec le marketing entrant nécessite de plus en plus le recours à des contenus de qualité et d’experts que sont (aussi) les journalistes.