On connaissait la génération Y, ces enfants nés au début des années 80 et jusqu’à la chute du mur de Berlin qui ont découvert Internet très jeunes et qui ont sans doute marqué une rupture générationnelle par rapport au monde ancien, je veux dire le monde sans Internet. Jugés par leurs ainés comme impatients, inventifs, interconnectés et individualistes les enfants de cette génération Y sont désormais largement insérés dans le marché du travail et ils laissent leur place du trublion à la génération Z, celle qui est née dans les années 90 et donc, véritablement native du numérique. C’est la dernière génération née au 20ème siècle d’où peut-être cette lettre Z, qui vit ses 20 ans au début de 21ème siècle dans un monde hyperconnecté et numérique.
Quelles sont les caractéristiques de cette génération ? Sont-ils si différents de leurs jeunes ainés Y ?
Selon les observateurs les plus avertis, cette génération ressemble à la « petite poucette », personnage fictif du dernier ouvrage du philosophe Michel Serres. Des êtres humains dont les technologies de l’information et de la communication sont devenus de véritables extensions cérébrales et physiques qui leur permettent de vivre dans différents espaces temporels et physiques. Les enfants cette génération sont les premiers à n’avoir pas connu autre chose qu’un monde hyper numérique et hyper connecté et ne peut donc se référer à une vie sans connexion. On parle aussi “Génération C” pour Communication, Connexion, Collaboration et Créativité. Des caractéristiques directement issues des technologies numériques. En revanche, s’ils sont très habiles avec les outils numériques les Z souffrent d’un manque de formation notoire au bon usage des outils qu’ils utilisent. Car manipuler beaucoup d’information (souvent beaucoup trop d’ailleurs) ne veut pas dire forcément augmenter ses connaissances. Et c’est souvent là que le bât blesse car si cette génération a grandi avec le numérique ce n’est pas le cas de ses différents tuteurs, que ce soit ses parents ou ses enseignants qui sont largement dépassés par les enjeux pédagogiques du numérique. De fait cette génération est la première à apprendre quelque chose à ses ainés et à se débrouiller toute seule avec l’usage des outils dont elle a hérité.
Si ses différents tuteurs sont dépassés par cette révolution numérique comment donc cette génération se forme t-elle au monde dans lequel elle va devoir vivre ?
La génération Z est très autonome et c’est assez frappant. Elle a cette autonomie que l’utilisation quotidienne des outils numériques vous donne. Sur Internet on peut (et j’ouvre les guillemets) « tout apprendre, tout savoir ». On pose une question dans un forum, on regarde un tutoriel sur Youtube, on s’inscris à un MOOC, ces cours en ligne massivement suivis, on cherche, on creuse, on compare, et on trouve. C’est une génération qui est tournée de façon assez précoce vers la création d’entreprise, ce qui surtout en France est assez surprenant. En fait, nombre d’entre eux s’ennuient fermement à l’école. Certains aux Etats Unis ont même crée leur propre collège en ligne car l’enseignement traditionnel les ennuyaient. De fait, certains n’hésitent pas à créer leur activité très tôt comme Gavi Tevinson, une jeune slovène, devenue icône de cette génération, qui a crée son premier site web sur la mode à 11 ans et qui emploie aujourd’hui plus de 80 personnes a seulement 17 ans.
Tous ne créent pas leur entreprise. Comment donc, la majorité de cette génération vis ou va vivre sa relation au monde du travail, dans les entreprises ?
C’est en effet une question assez problématique qui angoisse tous les managers et les recruteurs. Les Z sont avant tout à la recherche du plaisir, d’une vie à court terme et ne se projettent pas du tout dans une carrière. Vous allez me dire c’est assez classique pour des jeunes. Mais pour les Z, ce n’est pas seulement une crise d’ado, c’est dans leurs gènes. Par exemple, ils ont beaucoup moins d’intérêt pour les diplômes car de toutes façons ont leur dit qu’il n’y a pas de travail. Pour eux, la certification de compétences et la reconnaissance par des pairs sur un réseau vaut plus que le titre d’une école. D’où ce succès des cours en ligne et un tropisme marqué pour l’entrepreneuriat. En fait, c’est une génération qui veut absolument exister, se réaliser, réussir à tout prix dans un monde parfois un peu désespérant. Et l’entreprise traditionnelle, surtout française, ne représente pas du tout à leurs yeux un cadre où ils pourraient réaliser leurs rêves. Les Z ne croient pas aux valeurs de l’entreprise en tout cas des grandes, et ils sont même assez cyniques avec elle. Ils ne sont donc pas du tout fidèles et ils zappent constamment d’une entreprise à une autre. Certains mêmes se construisent une vie hybride avec différents métiers ou statuts en même temps. Ce sont des « slashers » comme la touche slash du clavier qui permet de séparer différents mots. Par exemple, je suis salarié d’une entreprise / créateur d’une entreprise / président d’une association / blogger. Bref, les Z sont un peu à l’image des outils de leur génération : connectés, rapides et multi-tâches.
Peut-on dire que cette génération Y est la première génération digitale ?
En quelques sorte oui. En tout cas c’est une génération qui articule sans différence et apparemment sans problèmes, une vie réelle et une vie digitale. C’est sans doute une de ses caractéristique majeure de la génération Z : avoir besoin de ces deux vies en même temps, pouvoir jongler avec, passer de l’une à l’autre. Essayez d’ailleurs de couper le wifi à un adolescent et vous comprendrez très vite ce que veut dire peur eux, avoir besoin de ces deux vies. Le digital est une seconde peau, une seconde nature et c’est en réalité assez difficile pour nous de le comprendre vraiment.
Vivre deux vies à la fois n’est-il pas un peu risqué ?
On pense bien sûr à tous les excès possibles. Les générations d’avant alertent régulièrement sur toutes les dérives de cette double vie numérique : dépendance aux écrans et à la connectivité, burn-out, solitude, harcèlement sur les réseaux sociaux, schizophrénie, abrutissement, etc.. En fait, leurs ainés ont sans doute peur d’une génération qui serait en quelque sorte désincarnée, en dehors du monde, préférant le confort de la relation virtuelle, mettant les êtres humains à distance, se protégeant de la relation physique où l’être entier est engagé. Ce qui serait assez paradoxal pour une génération qui n’hésite pas à médiatiser ses mise à nue physiques avec la mode des sextos, les textos sexuels ou encore des selfies after sex qui circulent sans pudeur dans les réseaux sociaux sans choquer grand monde. En fait, cette désincarnation du réel est bien sûr une dérive possible mais ce n’est pas du tout la réalité quotidienne de cette génération qui aime comme ses ainés profiter de la vie réelle, comme ils disent, In Real Life (IRL).
Quelles perspectives ?
Il est possible que cette génération hyperconnectée veuille faire la part des choses et notamment s’affranchir des différents « fils à la patte numériques » que cette société de l’information lui impose. Certains ont déjà pris conscience des aliénations et des nombreux pièges de cette vie hyper numérique. Beaucoup laissent tomber Facebook et cherchent à goûter à autre chose. C’est sans doute cette génération, qui avec le recul, dans quelques années, permettra d’inventer une vie numérique équilibrée après les excès d’enthousiasme des débuts où tout paraît possible, où tout est toujours nouveau et plein de promesses. A suivre donc pour découvrir la génération A, née au début du 21ème, celle de mes enfants. Nous en reparlerons, j’en suis sûr !!
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