Depuis sa naissance, l’Eglise n’a cessé de se renouveler, de grandir et de se saisir des techniques et des innovations de son époque. Organisme vivant, l’Eglise est donc nécessairement en prise avec son temps. Et notre temps vit depuis une vingtaine d’années une révolution technologique que l’on compare souvent, dans son ampleur, aux bouleversements qu’a connu le monde avec l’arrivée de l’imprimerie. Nous le voyons aujourd’hui, le numérique bouleverse en profondeur notre économie, notre industrie, notre système éducatif, bref notre société toute entière. Et si l’on pousse la comparaison avec l’invention de l’imprimerie, l’avènement de la Renaissance et de la Réforme on peut imaginer à quel point les bouleversements sont et seront profonds pour la société et pour l’Eglise. Dans ce contexte, il est urgent pour cette dernière, qui est bien sûr touchée et concernée par cette révolution numérique de se saisir pleinement de ces opportunités pour imaginer et pour créer les nouvelles formes d’expression, de liturgie, d’entraide, de formation et de prière de l’Eglise. Au delà d’un nouvel outil de communication, Internet et les technologies numériques constituent de puissant moyens de transformation du monde dans toutes ses dimensions.
Un héritage millénaire
Revenons un peu en arrière sur les rapports entre les technologies et l’Eglise. La première icône de l’Eglise, c’est le Saint-Suaire, un bout de tissu. Nous sommes loin des QR code et de Twitter. Puis les chrétiens orientaux développent cet art des icônes en conjuguant les matières végétales (bois), animales (de l’oeuf pour mélanger les pigments) et minérales (pigments). Fabriquer une icône est une véritable prière et la contempler est une expérience.La symbolique est au coeur de l’expression artistique chrétienne et va s’épanouir dans le développement de l’art roman puis l’art gothique qui se développent en occident. La légende dorée de Jacques de Voragine donne à l’Eglise le corpus symbolique de la théologie et de l’histoire chrétienne qui est encore aujourd’hui un référence fondatrice dans un très grand nombre de nos églises et dans le symbolisme religieux.
Des expériences sensibles, mystiques et spirituelles
Pour les chrétiens du moyen-âge, qui ne savaient majoritairement ni lire, ni écrire, l’église ou la cathédrale étaient pourtant un véritable livre ouvert, un catéchisme grandeur nature, accessible à tous, et réellement vivant, qui les prenaient aux tripes, les touchaient de façon sensible, leur faisait vivre une véritable expérience physique, mystique et spirituelle. Même si nous n’avons plus les codes, la psychologie et la sensibilité d’un homme du moyen-âge, nous pouvons toujours vivre aujourd’hui ces expériences en visitant un monastère ou une cathédrale mais nous pouvons aussi, créer de nouvelles “expériences utilisateurs” comme le font les participants d’Hack my church. Ce dialogue avec l’histoire nous fait prendre conscience que nous sommes les héritiers de ces 2000 ans d’histoire mais que nous sommes ou devons être, nécessairement, les bâtisseurs de notre siècle avec les outils et techniques de notre temps.
Quelles seront donc les cathédrales, légendes dorées, bréviaires et vitraux du 21ème siècle ?
C’est sans doute à cette question que les 80 participants d’Hack my church tentent de répondre, modestement mais avec beaucoup d’enthousiasme pendant trois jours de rencontres, de créativité, de travail et de partage. Cet évènement conjugue habilement les différentes dimensions de notre temps. A l’heure d’Internet et des réseaux sociaux qui nous mettent dans une relation distante, Hack my Church réunit au même endroit différents profils, personnalités et nationalités. Des équipes à dimension humaine constituées de bricoleurs, d’artistes, de facilitateurs, de communicants et de codeurs se mettent en place autour d’un projet, lui-même issu d’une session de brainstorming. C’est un travail collectif et collaboratif qui mise sur le décloisonnement et l’hybridation des talents et des compétences. Ce marathon créatif ne doit rien au hasard (ou en tout cas sait le provoquer). Une méthodologie très éprouvée est appliquée à la lettre pour permettre à la créativité de se traduire dans des réalisations concrètes qui pourront être mises à l’échelle et déployées au-delà de l’évènement.
Le numérique n’est pas le sujet, juste un outil de transformation et de diffusion.
Hack my church utilise habilement le potentiel des technologies numériques sans en faire une fin en soi. Le numérique devient juste un outil pour renouveler les différentes formes d’actions et d’expression de l’Eglise : prière, liturgie, formation, dialogue, entre-aide, intériorité, expression artistique, symbolique. Si le nom de cet évènement reste assez iconoclaste pour le grand public et les chrétiens, il est en revanche plus familier pour différents acteurs de ce marathon créatif et permet une dimension internationale. Le verbe “hacker” est très utilisé dans l’informatique pour désigner ceux qui détournent, bricolent et modifient le code informatique. Bienveillant la plupart du temps, c’est grâce aux hackers que les systèmes de sécurité informatique s’améliorent chaque jour. « Hacker » l’Eglise, ce n’est donc pas remettre en cause ou détourner son message mais plutôt renouveler ses formes d’expression et d’action dans un état d’esprit créatif et bienveillant.
Un évènement au coeur des cultures numériques
Hack my church se situe donc délibérément dans la culture de son temps, celle des geeks (les passionnés d’Internet), des makers et des hackers (bricoleurs et bidouilleurs). Les anglicismes sont omniprésents dans la culture numérique car celle-ci est issue des innovations technologiques qui sont encore majoritairement anglo-saxonnes et parce que le monde numérique a une dimension internationale. Elle se parle et s’écrit en anglais. Ce n’est donc ni un jargon prétentieux, ni un délire d’initiés. C’est juste une réalité d’un monde qui se transforme joyeusement.
Un enjeu d’adaptation et de renouvellement de l’Eglise et de sa tradition
Si nous sommes tous les héritiers de 2000 ans d’histoire, d’expressions artistiques et architecturales, de symboles et de textes sacrés, comment allons nous parler et engager les jeunes générations dans cette tradition ? Ces natifs d’Internet, générations Y ou Z pour qui Internet et les smartphones sont devenus une seconde nature ? Comment allons transmettre cette foi millénaire, sur quels supports, dans quelle langue ? Si pour le Pape, « Internet est un don de Dieu », c’est sans doute un devoir de s’en saisir pleinement pour relever ce défi.
Des premières réalisations prometteuses et un essaimage très large.
Déposer ses intentions de prières sur une borne interactive pour les vidéoprojeter dans l’église et engager une chaine de prière. Développer une application mobile qui permet aux enfants de se constituer un storyboard audiovisuel avec des images. Construire une chapelle connectée qui propose un voyage interactif dans les différentes églises du monde ou encore utiliser la puissance du numérique pour financer des projets d’entraide. Les premiers prototypes issu d’Hack my church auront sans doute une seconde vie moins expérimentale et très concrète une fois déployés aux quatre coins de la France ou du monde. Et puis, Hack my church c’est un évènement créatif conçu pour être facilement duplicable très vite dans différents points du globe. C’est un système auto-porteur où les énergies de chacun se conjuguent et se croisent. C’est également une très belle aventure humaine pour ceux qui la vivent de l’intérieur. Une nouvelle forme d’engagement pour ceux qui la cherche encore !
Jean Pouly
Merci pour ces informations, très bien rédigé !