Capture d’écran 2015-11-13 à 18.34.39Le virus transformateur du numérique n’épargne décidément aucun domaine ! Même les secteurs les plus conservateurs (en apparence) comme la banque et de la finance que l’on croyait plutôt protégés par un système bien établi et très réglementé se retrouve sous la menace de prédateurs numériques. Les analystes les plus avertis pensent même que ce secteur est déjà en passe de se faire ubériser en référence à la société américaine Uber qui a bouleversé le secteur des taxis. Si la crise financière de 2008 n’a pas pas changé le système financier international (au regret de certains), il a en revanche précarisé de nombreux traders et autres experts de la finance qui se sont recyclés sur un nouveau créneau très porteur : les fintechs, pour finance et technologie. Depuis la crise des subprimes, ce sont plus de 3 milliards de dollars qui ont été investis dans ces start-up en très forte croissance et qui sont en passe de révolutionner une institution vieille comme le monde : la banque.

Tout d’abord pourquoi le secteur bancaire est-il si propice à se faire ubériser ?

fraisbancairesL’actualité du jour du secteur bancaire est la facturation de la tenue de compte pour les particuliers dès le 1er janvier 2016. L’illustration parfaite du fossé qui se creuse entre les besoins des clients et les pratiques du secteur bancaire traditionnel. Le niveau d’insatisfaction des clients conjugué à la défiance croissante liée à la spéculation boursière et aux scandales financiers ont préparé les changements d’habitude si l’offre de service de ces fintechs est attractive. Rappelons pour mémoire la recette de base de l’ubérisation d’un secteur économique : des services médiocres rendus par des entreprises en situation de monopole et très protégées par les politiciens. Un secteur auquel le numérique apporte d’un coup une efficacité nouvelle, des services inédits et un prix défiant toute concurrence. Et bien disons le tout net, les banques se retrouvent peu ou proue dans cette situation peu enviable.

Qui sont ces fintechs et quels services proposent-elle ?

bankingCe néologisme désigne les start-up, principalement venues des USA et du Royaume-Uni qui ré-inventent les différents métiers du secteur bancaire et financier. Par exemple la gestion de l’épargne avec Fundshop, la tenue des comptes courants avec Bankin, Lino ou Money Doc, le prêt pour les particuliers avec Lending Club et Prêt d’Union, l’échange de devises avec WeeleoIl mais aussi le financement pour les entreprises avec Wiseed, Lendopolis ou SmartAngels, la gestion de la trésorerie des entreprises avec FinexKap et bien sûr le très lucratif transfert d’argent international avec Afrimarket. Un vrai fourmillement d’initiatives qui renouvelle de nombreux services bancaires. Attention, il faut bien distinguer les services de ces fintechs des grandes plateformes de paiement en ligne comme Paypal, Apple ou Android Pay, qui ont déjà bien grignoté les parts de marché du métier de paiement de la banque. Les fintechs se concentrent sur un volet plus subtil des métiers bancaires, celui de la relation.

 

Et en quoi justement ces fintechs sont-elles vraiment disruptives ?

charlotLa plupart des disruptions numériques sont basées sur les technologies dites de pair à pair qui permettent de mettre directement en relation l’offre et la demande en faisant sauter de multiples intermédiaires. Comme pour la taxis, les chambres d’hôtes ou le covoiturage. Et bien c’est un peu similaire pour la banque qui est un intermédiaire. Vous cherchez de l’argent ? Il suffit de trouver ceux qui veulent en prêter. Une plateforme fait le tiers de confiance entre des milliers de personnes et prend une faible commission au passage. C’est ce qu’on appelle les plateformes de peer-to peer lending et ça marche très fort. Les fonds sont disponibles très vite, moins d’une semaine pour qu’une PME trouve 50 000 euros sur une plateforme comme Lendopolis. Et entre 5 et 8% d’intérêts pour le prêteur. Quand un livret A propose 1%, que demander de mieux ? Ces technologies permettent aussi le crowdfunding qui rencontre un succès croissant dans une économie en pleine transformation qui doit répondre vite à de multiples besoins de financements. Les banques traditionnelles sont des machines bureaucratiques bien trop lourdes pour s’adapter à la demande actuelle.

Et comment réagit le secteur bancaire traditionnel à ce bouleversement en cours ?

bebe-qui-se-cache-le-visage-avec-les-mains-2416861_13501De façon très classique finalement dans les situations d’ubérisation : le déni, le mépris, puis l’affolement et enfin l’action. Selon les pays et les réglementations la riposte est de nature différente. Dans un pays comme la France, on a d’abord le réflexe de se protéger, derrière la réglementation et les hommes politiques. Le secteur bancaire est donc hyper réglementé et les fintechs doivent donc ajouter de l’innovation par petites touches, restant coincées dans des règles d’un autre âge. Les banques étant très puissamment installées et encore dans des situations monopolistiques, elle s rachètent massivement les meilleures fintechs en espérant faire de bonnes pioches et surtout, rester au coeur du système. Car l’avenir est incertain.

Quelles perspectives dans les années qui viennent ?

Help, hand, partnership.

Help, hand, partnership.

Le point clé va sans doute résider dans la capacité des acteurs, anciens et nouveaux, à générer de la confiance. Car l’argent est d’abord une histoire de confiance. Ne dit-on pas monnaie fiduciaire ? du beau mot latin, fides, la foi. Le mot confiance vient de la même racine et c’est le maître mot car numérique ou pas, le métier principal de la banque a toujours été lié à l’organisation et l’entretien de la confiance. Et il va falloir maintenir la confiance des utilisateurs car désormais les fameux GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) lorgnent aussi sur le gâteau du secteur bancaire et financier. Ce qui les intéresse le plus n’est pas de faire le commerce de la monnaie mais plutôt de comprendre les comportements des consommateurs, bref d’analyser puis de vendre leurs données. Grâce à leurs gigantesques plateformes ils connaissent déjà bien mieux les habitudes de consommation des consommateurs que les banques elles-mêmes. Et la vrai mine d’or se trouve là.Les fintechs ont donc sans doute un coup à jouer entre un vieux secteur qui doit se renouveler et des plateformes mondiales qui ne suscitent pas forcément une grande confiance auprès des internautes.

Jean Pouly

@jeanpouly

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