Et bien selon moi c’est non, car  Internet est me semble t-il plutôt un nouveau support de nos addictions qu’une nouvelle addiction en tant que telle. Et pour bien comprendre où se situe le problème addictif, il faut prendre conscience que vivons avec Internet dans un véritable univers parrallèle, une seconde vie comme le proclamait le célèbre réseau second life. Pour illustrer cette réalité bien tangible, je citerai la formule du Professeur Guy Almes, spécialiste des addictions numériques et qui nous dit de façon un peu provocatrice, qu’ il y aurait 3 formes de mort, la mort cardiaque, la mort cérébrale et la déconnexion du réseau.

C’est sous cet angle qu’il est à mon avis plus facile de comprendre les phénomènes addictifs des outils de connectivité car selon les psychanalystes, aucune technologie ne porte en elle-même d’effet addictogène, l’addiction étant plutôt liée à d’autres facteurs complexes, déjà présents chez les sujets : environnement familial, contexte social, situation psychologique.

En fait, Internet serait un accélérateur ou un révélateur de nos tendances addictives ?

Oui car il donne des réponses immédiates et très faciles d’accès à tous le monde.De plus, Internet est un formidable espace de socialisation en tout cas en apparence, tout dépend ce que l’on définit par socialisation.

Facebook, un des sites les plus consultés de la planète avec des temps de connexion très important, (plus d’une heure par jour) et qui a un taux addictif presqu’aussi fort que le tabac n’est-il pas appelé réseau social ? L’homme étant un “animal social”, il a besoin d’espaces de socialibilité. Si la famille par exemple n’est pas ou n’est plus un espace de socialisation, comme souvent à l’adolescence, Internet peut devenir un espace de substitution avec l’impression d’une certaine maitrise de ses propres relations.

Quelles sont les spécificités de l’addiction à Internet ?

Et bien les deux caractéristiques les plus fortes sont la distorsion du rapport à l’espace et au temps.

Concernant le temps, l’une des caractéristiques la plus forte, c’est l’abolition “symbolique” et même vécue du temps qui peut très vite être vécu comme un terrible asservissement : « comprimant le temps à l’extrême et abolissant les contraintes de l’espace, l’écran en réseau instaure une temporalité immédiate, générant l’intolérance à la lenteur et l’exigence du gain de temps. S’il rend possible une plus grande autonomie personnelle dans l’organisation du temps, il amplifie la sensation d’urgence et de vivre sous hypertension temporelle. D’un côté s’accroît le pouvoir de construire des emplois du temps plus personnalisés ; de l’autre se développe une forme d’asservissement au temps de l’hypervitesse. Sous l’effet de la communication informatisée, un nouveau régime du temps s’est construit, marqué par le règne de l’instantanéité et de l’immédiateté »

L’autre caractéristique d’Internet est qu’il permet aussi de donner une impression de maitrise de l’espace et de donner en quelque sorte le don ubiquitaire, vieille lune de l’humanité qui aimerait avoir une certaine toute puissance, sur le temps comme sur l’espace. On se parle en visio-conférence en plusieurs points de la planète, on géolocalise en direct les activités, on a désormais une approche numérique de l’espace avec ces outils de géolocalisation, on travail à distance et en réseau dans un espace désormais presque sans limites. Un sociologue parle même de connexcité, c’est à dire d’une nouvelle géographie, reliée à notre vie connectée.

D’ailleurs la question la plus fréquente au début d’un appel sur un téléphone portable est : t’es où ?

De quelles addictions Internet est-il donc le support ?

Il y a évidemment le temps consacré au réseau qui bien souvent a dépassé celui devant passé devant la télévision et qui peut couper totalement un être de toutes relations sociales. Certains adolescents dans cette situation ont été appelés les Nolife, comme s’ils se retranchaient en quelque sorte de la vie réelle. Et puis, il y a, j’allais dire, les addictions les plus classiques et les plus pulsionnelles comme celles liées à la pornographie et aux jeux d’argent. En fait, ces addictions sont bien connues mais Internet rebat les cartes des modalités de leur accès. On n’entre pas facilement dans un casino ou dans un sexeshop quand on a 12 ans. Mais sur Internet, c’est beaucoup plus facile et souvent gratuit, en tout cas en apparence.

Il y a aussi une drogue assez dure sur Internet qui rejoint le vieux mythe de narcisse à travers l’effet miroir des interactions sur les blogs ou les réseaux sociaux qui nourrissent ce besoin fondamental d’être valorisé dans l’instantanéité : un commentaire valorisant sur mon blog, un message sur twitter qui est retransmis à des milliers de suiveurs et vous avez l’impression d’être célèbre, comme le fameux 1/4 d’heure médiatique prédit par Andy Warhol.

Il y a encore la fameuse procrastination, remettre au lendemain ce que l’on pourrait faire tout de suite, phénomène naturel souvent accentué par Internet qui nous détourne de ce que nous avons à faire

Et enfin, un drôle de concept, le “fear of missing out” (FOMO) bien décrit par des sociologue américains, qui est l’illustration de cette impression de toute puissante que donne le réseau Internet, pouvoir tout faire et partout. Et bien comme cela n’est pas possible dans la réalité, certains sont paralysés par la peur de toujours louper quelque chose. Cela est un phénomène qui n’a rien de nouveau et qui n’est pas grave mais avec les réseaux sociaux, où l’on est sollicité par des milliers d’amis, cela accentue cette désagréable impression

Que peut-on fair pour limiter ces excès ?

Alors on peut décrocher, débrancher comme le chantait France Gall et comme l’a fait un célèbre blogger, Thierry Crouzet pendant 6 mois. On peut aussi et surtout poser des limites et bien sûr éduquer.

Il y a aussi des mouvement qui proposent de se recentrer sur son corps, le renouveau du Yoga, de la sophroplogie. La nécessité d’être dans le présent, d’être physiquement présent. Le mot vacance vient de vacuité, vide. Et bien cette année j’ai fait comme Thierry Crouzet, j’ai tout coupé pendant 3 semaines et le vide laissé par cette coupure numérique m’a permis de me remplir de très bonnes choses, par exemple de profiter pleinement de ma famille et de la nature.

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