Dans un contexte de forte défiance de l’opinion publique à l’égard de ce que l’on nomme désormais le “monde de la finance”, de nouvelles formes de financements émergent, basées sur la participation des citoyens et l’utilisation des nouvelles technologies. Face à un système financier devenu assez opaque, éloigné des préoccupations des entrepreneurs et figé dans un mode d’intervention relativement obsolète, les plateformes de financements participatifs connaissent un réel succès en ce moment avec plusieurs reportages grands publics récents qui ont mis en lumière cette nouvelle façon de financer ses projets, sans doute plus réaliste, plus équitable et plus proche des besoins des différents entrepreneurs, qu’ils soient dans le domaine artistique, culturelle, économique ou social.
Qu’est-ce que le crowdfunding et comment ça marche ?
Comme toujours, il est difficile de traduire les termes anglo-saxons qui recouvrent souvent plusieurs réalités. Littéralement c’est un financement par la foule que l’on préfère traduire en français comme financement participatif, ce qui est presque un pléonasme puisque qu’un financement, requiert par nature la participation de divers créanciers. En réalité le terme crowdfunding recouvre plusieurs activités différentes comme le prêt entre particuliers, appelé P2P Lending, l’investissement en capital, autrement appelé “equity crowdfunding” où il y a une prise de participation dans la société soutenue mais aussi le microcrédit solidaire en peer-to peer.
Il y a enfin ce qu’on appelle la production communautaire qui a popularisé le crowdfunding avec des start-up comme Mymajorcompany ou Myfashiononline qui ont permis à des fans de musique, de cinéma ou de mode de financer des scenarii de films, des maquettes de chansons ou des patrons de robes qui les faisaient rêver.
On ales bases du système : la mise en relations des bonnes personnes entre elles (les pairs) par les réseaux informatiques de pairs à pair (peer to peer), une mise de petits montants sur des projets qui nous parlent, que l’on souhaitent soutenir et sur lesquels on doublera éventuellement sa mise si ça marche.
Bref, des systèmes très simples où l’on mobilise d’abord ses proches, sa famille, ses amis, puis ses collègues et enfin un troisième cercle d’internautes qui va s’intéresser vraiment au projet.
Des succès probants
Le projet de jeu vidéo américain Star Citizen qui détient le record du crowdfunding avec plus de 6 millions de dollars, provenant de quelques 90 000 internautes, financé sur la plus grosse plateforme actuelle qui s’appelle Kickstarter qui veut dire le démarreur en anglais. Ces plateformes se rémunèrent par une prise de participation minoritaires (environ 5%) dans les projets qu’elles permettent de lancer. Kickstarter a permis de financer 18 000 projets en 2012 pour un total de 320 millions de dollars, réunis par 2, 2 millions de contributeurs de 177 pays. Cette plateforme trouve environ 600 dollars par minute, finance essentiellement des jeux vidéo pour 83 Md de dollars mais aussi des films et de la musique.
En France on a le projet de recherche Antabio une start-up qui a levé près de 300 000 euros avec la contribution de 200 petits investisseurs pour financer un projet de molécules innovantes destinées à traiter et prévenir les infections multi-résistantes aux antibiotiques. Et puis nous pouvons être fiers des 23 107 amis babyloniens de la plateforme de microcrédit solidaire Babyloan (bébé prêts) qui ont prêté plus de 5 millions d’euros à 12 519 micro-entrepreneurs de 141 pays.
Beaucoup de chiffres mais surtout de très belles histoires avec des paysans du fin fond de la pampa qui peuvent acheter un troupeau de lamas ou de chèvres et faire vivre leur famille avec une collecte de micro-prêts de 20 euros que l’on fait avec sa carte bleau sur Internet, le matin en se levant pour faire sa bonne action !!! Bref aujourd’hui c’est simple comme un clic d’aider quelqu’un !
Pourquoi ce mode de financement connaît un tel succès ?
Il y a de nombreuses raisons. Mais il me semble intéressant de regarder aussi pourquoi cela arrive maintenant. Comme toute révolution structurelle, et c’est le cas à chaque fois dans le monde numérique, les succès se bâtissent sur l’échec ou l’obsolescence des systèmes précédents. Il faut par exemple savoir qu’il existe une exception française du capital risque qui n’a jamais été très rentable et donc efficient. Trop focalisé sur les tableaux excel et non sur les entrepreneurs, trop d’argent fiscal, donc trop d’aregnt facile, trop de juniors et pas assez d’accompagnement, et surtout, une absence de liens entre les 3 étapes de l’évolution du financement, des business angel au capital développement en passant par le capital-risque. Et puis les banques n’ont jamais vraiment été intéressées par les trop petits projets car le temps qu’elle va passer pour connaître l’entrepreneur, évaluer, monter et suivre le dossier va être trop important par rapport à ce qu’elle va en retirer comme intérêts.
Mais surtout, le financement participatif s’appuie sur ses propres atouts comme sa très grande accessibilité : c’est très démocratique car tout le monde peut essayer et sur des petits ou des grands projets. Une prise de risque partagée par la force d’un réseau de micro-investisseurs et aussi un feed back de ces internautes prêteurs qui posent des questions souvent très pertinentes et font évoluer positivement les projets. Enfin, ce système ne repose pas uniquement sur la recherche du seul profit mais favorise l’entraide, l’intérêt pour des projets et permet aussi de pré-vendre ses produits ou services à une communauté d’intérêt qui s’est mobilisée en soutenant financièrement le projet.
Quelles perspectives ?
En France c’est encore limité avec plus de 15 000 projets chaque année, soutenus par 35 000 internautes pour un montant de 6 millions d’euros environ Dans le monde, on en est à 1,5 milliards de dollars en 2011 mais il faut surtout retenir que, comme souvent, c’est aux Etats -Unis que cela se développe le plus et que c’est devenu une priorité de Barack Obama dans son plan pour les start-up (le Jobs act ) au printemps 2012. Il faut en effet se rappeler que Barack Obama fut le premier à bénéficier de ce nouveau mode de financement participatif avec le succès fulgurant du financement de sa campagne électorale par le web en 2008.
Je pense qu’à terme, dans une économie numérique beaucoup plus horizontale, ces modes de financements vont se généraliser et peut-être bousculer les vieux monopoles des banques. La monnaie fiduciaire tient son nom du mot latin fides, qui a donné un autre mot très important : la confiance. La monnaie est basée sur la confiance, tout comme les réseaux de peer to peer. Si les citoyens-investisseurs perdent confiance dans leurs institutions financières, ils pourraient très bien la reporter dans ces nouveaux réseaux de financement participatifs. La nature a horreur du vide !!!
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