The Birth of Artificial IntelligenceEn reprenant le titre de l’ouvrage de Bruno Bonnell, emblématique entrepreneur lyonnais qui après avoir fondé Infogramme et repris la mythique marque de jeux vidéo Atari, s’est lancé dans la robotique,  je me demande dans cet article si les conditions sont aujourd’hui réunies pour une véritable révolution dans le domaine de la robotique et si nous allons vraiment voir une série de nouveaux robots se démultiplier, devenir “intelligents” et nous assister dans notre vie quotidienne ? Entre les fantasmes véhiculés par la science-fiction et une réalité technico-économique souvent cruelle avec ce secteur, quelles sont les perspectives et les enjeux de la robotique ?

Alors tout d’abord qu’est-ce que la robotique ?

Ce qui est intéressant c’est que l’étymologie du mot robot, veut dire “esclave” ou travailleur dévoué dans les langues slaves et notamment en Russe. On voit bien que l’objectif est de “déporter” et d’automatiser des tâches et des actions difficiles et répétitives à des machines, que l’on va programmer. Le concept même de robot (pour ainsi dire), a donc déjà été pensé et expérimenté depuis très longtemps à travers l’esclavage puis s’est déplacé des hommes vers les machines. Les premiers véritables ancêtres des robots sont les automates qui ont une différence de taille avec les robots : ils ne disposent pas de capteurs et ne peuvent donc exécuter que des tâches préétablies. Ils ne peuvent pas être “interactifs” et donc dialoguer avec l’homme.

Aujourd’hui la robotique concerne quatre grands domaines d’application :  le domaine industriel, qui a démarré dans les années 60 notamment dans l’automobile et qui est le plus développé;  le domaine médical avec avec tous les appareillages qui permettent une assistance opératoire par exemple; le domaine militaire avec différents engins à chenilles téléguidées et bien sûr les fameux drones qui deviennent de plus en plus sophistiqués et que l’on utilise actuellement au Mali.

Enfin, il y a le domaine domestique qui démarre depuis peu, avec des robots qui aspirent, balaient, repassent et nettoient !!

On utilise également pas mal de robots dans les explorations scientifiques dans des milieux hostiles comme les fonds sous-marins ou encore l’espace.

Quelles sont les évolutions actuelles de la robotique et en quoi la révolution numérique impacte-elle la robotique ?

Les progrès phénoménaux de l’informatique, des réseaux et de la miniaturisation se conjuguent et accélèrent les progrès des robots qui deviennent de plus en plus interactifs et, osons le dire, “intelligents”. Les progrès de l’intelligence artificielle dont je reparlerais une autre fois améliorent significativement la robotique.

On avance par exemple assez vite sur la micro ou la nanorobotique avec les nanotechnologies ce qui pourrait déboucher sur des applications médicales avec la micro et téléchirurgie. On avance également sur ce que l’on appelle les interfaces “hommes-machines” pour améliorer le dialogue et l’ergonomie entre les hommes et les machines. Enfin, on a fait d’immenses progrès sur la bipédie, c’est à dire la reproduction des mouvements humains par les robots. Ce qui est très lent car il faut une puissance de calcul très très importante à insérer dans de toutes  petites surfaces.

Quelques exemples de cette robolution 

L’aspirateur Roomba qui illustre la notion de capteurs pour des aspirateurs qui se déplacent de façon autonome. Dans le même ordre d’idée, une jeune start-up de la région lyonnaise, Hulltimo a décliné le principe des aspirateurs de piscines pour réaliser un robot que l’on pilote et qui nettoie les coques de bateaux, évitant ainsi des coûts importants de mise en cale mais aussi environnementaux

On a aussi en tête la fameuse Kinnect de la XBox de Microsoft qui a popularisé et généralisé la notion de capture du mouvement (motion capture) et qui permet de contrôler un jeu vidéo sans manettes et donc le mouvement du joueur. De nombreuses applications découlent de cette innovation. Enfin, j’aime bien parler de la douzaine de voitures automatiques de Google qui ont parcouru près de 500 000 km sans aucun accident et qui pourraient demain devenir une norme dans la conduite automobile.

Quelles sont les limites de cette évolution ?

Comme toujours, elles sont d’abord scientifiques et technologiques. Mais j’allais dire que dans ce domaine, les progrès sont presque illimités à terme. La principale limite que je vois est plutôt d’ordre philosophique dans le sens où si l’on reprend l’origine de la robotique, on voit bien que le périmètre d’intervention d’un robot est bien relatif : que doit-on déléguer à un robot ? C’est sans doute là la vraie question.

Il ne fait plus guère de débat sur le fait de déléguer différentes tâches difficiles, ingrates ou dangereuses. Par contre, on ne se pose à mon sens pas assez de questions sur les impacts de cette “délégation”. L’homme, au sens anthropologique du terme pourrait même se définir dans sa capacité à inventer un ensemble de “prothèses”, comme l’explique très bien le philosophe Bernard Stiegler, qui vont de l’outil de l’homme préhistorique en passant par l’écriture, les lunettes, le livre, l’ordinateur et maintenant un ensemble de robots, qui nous assistent et nous remplacent. Finalement, qu’est-ce que l’homme ? que doit-il faire ou ne pas faire ?

Ensuite, se pose la question d’une conséquence directe de ce que délègue l’homme à la machine et qui est sa perte de savoir-faire. Par exemple, saura-t-on encore s’orienter sans GPS dans quelques années ? Sais-t-on encore calculer mentalement ? D’autres questions, nous le voyons découlent de cette logique : quelles prothèses sont vraiment nécessaires, quelles modifications cela entraine t-il sur nos propres corps, sur nos cerveaux, sur notre mémoire ? Enfin, se pose la question du coût de cette délégation car ces centaines de millions de robots sont des gouffres énergétiques, qui certes nous remplacent mais participent aussi à l’épuisement des ressources énergétiques.

Pour conclure, je pense qu’il faut sans aucun doute explorer les incroyables champs des possibles de la robotique mais en appliquant le fameux principe de précaution que l’on hésite pas à utiliser pour dévier une autoroute qui traverse une mare protégeant une espèce très rare de têtard alors que nous omettons totalement de l’appliquer pour l’être humain proprement dit, au nom du veau d’or du progrès scientifique.

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