Le 28 septembre dernier un vent de panique a soufflé sur le web à cause d’un bug de Facebook qui aurait permis la visibilité publique de données et conversations privées. Le spectre de Big Brother revient-il avec Facebook ? Vous allez me dire que c’est très souvent le cas avec l’informatique, que ce soit avec Microsoft et Google envers lesquels nous avons toujours été assez méfiants et que l’on accuse à tort ou à raison de manipuler nos données personnelles à des fins commerciales et surtout, sans notre consentement. Après tout, c’est bien Google qui dans sa charte de valeur proclame ” Don’t be evil” c’est qu’il se jure de ne pas être malveillant, comme si la tentation était trop grande. Et puis, tous ces services gratuits éveillent notre méfiance. Comme disait l’autre, si vous ne payez pas, c’est que vous n’est plus un consommateur mais un produit à vendre. D’ailleurs Facebook a bel et bien chiffré la valeur du produit que nous représentons. Précisément 4,39 dollars chacun, lors de l’introduction en bourse du fameux réseau social. Je dois dire que j’étais un peu déçu de valoir si peu.
Nous voyons bien que la question de la confiance est au coeur de la société de l’information et c’est bien normal car nous confions pour ainsi dire tout ou partie de notre vie aux réseaux informatiques
Mais en quoi notre vie privée ne le serait plus avec l’informatique ?
Et bien plus rien n’échappe vraiment à la numérisation et à la mise en réseaux des données. Que ce soit les formalités administratives, où nos informations les plus intimes sur notre santé avec la carte vitale, le suivi de remboursement en ligne, les données sur notre retraite, notre argent avec la dématérialisation des échanges bancaires, le commerce électronique où nos achats peuvent être tracés, conservés, classés. Nos habitudes de consommation sont scrutées à la loupe par de puissants systèmes informatiques et revendus.
Et puis, bien sûr, il y a l’ensemble de nos conversations à travers nos mails et bien les réseaux sociaux. Par exemple, il y a près de 10 ans que j’utilise le système de messagerie de Google et il est vrai que je reçois des liens sponsorisés extrêmement ciblés, en fonction du contenu de mes messages. Cela peut-être très perturbant, au regard de notre façon d’envisager notre vie privée.
Disons d’emblée que celle-ci sera profondément bouleversée si nous mettons un pied dans cette société numérique. C’est un peu comme les autres sujet dont je parle ici, l’éducation, par exemple va changer totalement. Et bien c’est pareil pour les modalités de gestion de notre vie privée. Plus rien ne sera comme avant, plus rien n’est comme avant. De façon plus large, nous voyons bien que nous pouvons être surveillé et tracé électroniquement de façon permanente avec la géolocalisation des smartphone, les CB, les parkings, les caméras de surveillance.
Une vie privée est-elle encore possible à l’heure des réseaux informatiques et d’internet ?
Je crois que les choses se déplacent. Par intermédiaire d’avatars, de doubles, de pseudos, les jeunes ont bien compris comment “contourner cette mis à nue de leur intimité. D’ailleurs pour eux, cette question ne se pose pas vraiment de la même façon, ce qui terrorise souvent leurs parents car il existe un fossé entre les perceptions culturelles de la vie privée entre les natifs d’Internet et ceux qui connaissaient la vie avant internet et Facebook Pour être plus précis, je pense qu’on peut tout à fait préserver sa vie privée en utilisant Internet et les réseaux sociaux car il existe de nombreux processus de sécurité mais il est vrai qu’il faut parfois être un peu expert pour bien maitriser tous les paramètres. Cela s’apprend et on devrait d’ailleurs l’enseigner à l’école pour que les jeunes sachent mieux à quoi ils s’engagent quand ils cliquent. Cela s’appelle de l’éducation critique aux média et ce n’est pas assez développé.
Mais ce que je trouve le plus perturbant sur cette question, c’est l’absence de règles claires et stables. Au niveau français, il existe la CNIL qui définit assez clairement ce que l’on peut faire ou ne pas faire. Mais Google ou Facebook sont des sociétés de droit californien et il est difficile de leur faire appliquer nos règles quand nous utilisons gratuitement leurs plateformes, surtout après avoir donné notre consentement par un simple clic.
Par exemple, il faut savoir que tout ce que vous publiez sur Google ne vous appartient plus. Ensuite, et cela pose également question, il y a un caractère irréversible sur la publication des données, même si nous avançons actuellement pour que nous puissions effacer des données mise en ligne. C’est ce qu’on appelle le “droit à l’oubli”.
Alors entre liberté et sécurité, faudra-t-il choisir ?
Tout d’abord, si met dans la balance le pour et le contre, on s’apperçoit très vite que les français ont déjà choisi car il serait très difficile pour eux de se passer d’Internet et de ses multiples bénéfices. Même si de plus en plus de français et d’internautes se déclarent méfiants vis à vis d’internet et particulièrement des réseaux sociaux, on se rend compte que cette méfiance n’altère en rien leur utilisation, bien au contraire. Il y a là un paradoxe qui révèle peut-être que cette méfiance n’est que relative et que le bénéfice l’emporte sur la crainte.
Ensuite il est intéressant de relativiser la confidentialité des données et de remettre cette question dans notre contexte actuel. Après tout, nous avons vécu pendant très longtemps dans un environnement où tout se savait, ou presque, à l’intérieur des familles, des villages, des bistrots. Les lavandières autour du lavoir échangeaient joyeusement tous les ragots et nouvelles de tout le village et les curés connaissaient tous les secrets les plus inavouables. Aujourd’hui, le village est devenu global, comme l’a très bien théorisé le sociologue américain Mac Luhan et nous vivons dans un monde un peu schizophrène avec une vie réelle et une autre virtuelle.
Je crois que nous allons nous adapter à ce nouveau paradigme, comme l’homme l’a toujours fait. A chacun de décider ce qu’il veut ou non partager étant bien sûr conscient que toute chose partagée en ligne lui échappera plus ou moins. Dire un secret dans le creux de l’oreille restera peut-être le moyen le plus sûr de garder une confidentialité.
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