Hands with game controllerDans cette expression des “serious game”, le sens commun pourrait voir une contradiction apparente : est-il bien raisonnable de faire des jeux sérieux ? Qu’est-ce que c’est qu’un jeu sérieux et pour quoi les éditeurs de jeux vidéos ont-il inventé une chose aussi sérieuse voire aussi saugrenue ?

Pour être précis, on peut classer les serious game par opposition à ce que les anglo-saxons appelle “entertainment games”, ou jeux de loisirs. Les jeux vidéos que l’on connaît se classent dans cette catégorie. On joue pour se distraire. Et bien les serious game partent tout simplement du principe que jouer est sans doute le meilleur moyen d’apprendre.

Pour illustrer cette vertue d’apprentissage du jeu, je citerai l’écrivain et physicien américain Benjamin Franklin (à ne pas confondre avec l’homonyme Président américain) qui disait : “Tu me dis, j’oublie. Tu m’enseignes, je me souviens. Tu m’impliques, j’apprends.” Cette expression résume l’intérêt essentiel du “serious game” : devant un jeu, une personne est captive, donc plus réceptive aux messages distillés par le logiciel. Plus le jeu est divertissant, plus il implique son utilisateur.

Si les bénéfices (et les risques) du jeu vidéo sont connus depuis longtemps dans l’univers de l’éducation, ils commencent à peine à l’être dans l’univers du marketing et de la formation.

Pourquoi le secteur des jeux vidéo a si longtemps ignoré ces secteurs d’application de leurs technologies ?

En fait, c’est l’irrégularité de leurs revenus qui a poussé les éditeurs, surtout les petits, à diversifier leurs activités car ils dépendaient souvent du succès (ou non) d’un seul gros jeu vidéo, ce qu’on appelle les blockbuster. Si un projet ne marchait pas, on se retrouvait à licencier une partie de l’équipe et c’était difficile ensuite de repartir à zéro. Avec une diversification des activités, des revenus plus modestes mais plus réguliers, les studios se sont renforcés et amortissent désormais plus facilement leurs innovations, les technologies qu’ils développent pour les gros projets de jeux de loisir.

Aujourd’hui, le marché français des serious game représentait plus de 40 millions d’euros en 2010 et ne cessent de croître, avec des applications très diverses.

Quels exemples concrets de jeux sérieux ?

Tout d’abord, et pour illustrer ce lien ténu entre jeu sérieux et de loisir, je vais vous donner l’exemple de flight simulator, le plus célèbre simulateur de vol. Et bien ce jeu a très vite été détourné de son usage initial, le loisir, pour devenir un outil de formation des pilotes.  On dit même que les terroristes du 11 septembre se sont entrainé sur un simulateur vidéo, ce qui n’était pour le coup plus du tout un jeu mais une affaire bien sérieuse. Aujourd’hui, aucun pilote, de l’aviation civile ou militaire n’échappent aux simulateurs de vols.

 

Simulateur de vol

Simulateur de vol

Les serious game concernent donc essentiellement la formation car ils permettent de créer des environnements virtuels assez réalistes qui mettent en situation les stagiaires, testent et mesurent leurs aptitudes tout en s’appuyant sur le formidable levier du jeu, qui est un excellent moyen d’apprentissage. Pertinent pour l’aviation, les serious game se développent aussi pour la conduite automobile car cela évite des coûts de conduite avec des véhicules et quelques accidents. Au-delà, les serious game servent plus généralement à la simulation. Quand Airbus teste un siège pour le passager, il peut le tester virtuellement, en simulation 3D avec un environnement autour, avant de lancer sa production.

Un autre domaine d’application, concerne la force de vente. Le serious game sert ici à mettre les commerciaux en situation de vente avec la répétition d’un scenario, le suivi d’une méthode, d’un process, à suivre par une équipe commerciale. Celui qui suit le mieux le process, comme dans un jeu, gagne la partie ! L’émulation et le jeu permettent aux équipes de prendre  du bon côté les longues et rébarbatives séances de formation à la vente et de se projeter dans la réalité avec moins d’inhibitions car on est dans un jeu.

Appliqué au marketing, le but d’un serious game est de faire vivre au joueur,qu’il soit client ou prospect, une expérience engageante au sein de l’univers d’une marque. Ce type d’interaction permet ainsi à la marque de bâtir une relation différente avec ses consommateurs et cette immersion dans l’univers de la marque est d’autant plus utile que les marques deviennent de plus en plus complexes, faites d’émotions et de codes. Le jeu a aussi la vertue de dédramatiser, de touner en dérison, de rire, de s’appuyer sur des émotions positives.

Il peut également servir dans une optique de fidélisation. En France, un fabricant de verres correctifs a par exemple fait développer un jeu promotionnel pour remercier les consommateurs achetant un produit de sa gamme. Diffusé à 50 000 exemplaires, ce jeu d’arcade destiné aux enfants met en scène un héros à lunettes. L’argumentaire de vente du produit (résistance aux chocs, résistance aux UV, légèreté, etc.) est distillé via les armes de ce héros.

Le serious game peut aussi être très efficace dans une optique de recrutement. BNP Paribas a ainsi monté un jeux sérieux en ligne (Ace manager) pour attirer les jeunes talents des grandes écoles de commerce dans son giron avec un jeu vidéo en ligne centré sur la question du sport, au travers de son partenariat avec Roland-Garros. Elle a ainsi reçu plus de 50 000 CV de très haute qualité et pu réussir son plan de recrutement.

Dans le domaine public, on a aussi l’exemple d’une budget participatif en ligne qui implique le citoyen dans la gestion du budget. Un peu comme le célèbre jeu Sim City qui permet de gérer une ville, ce genre de serious game a plusieurs vertues. Bien sûr, il est hors de question que nos édiles laissent les citoyens construire le budget à leur place (ce qui éviterait peut-être un endettement aussi important) mais plutôt d’être sensibilisés aux différentes contraintes d’une collectivité. Savoir que qu’une dépense engagée doit être financée, avec de l’endettement (investissements) ou de nouveaux impôts (fonctionnement), savoir qu’une crèche, une école ou un poste de policier coûte tant, etc. Bref, de la pédagogie par le jeu.

Et puis, il ya le concept de l’advergame, contraction de adverstisement (publicité) et de game (jeu), avec un exemple assez drôle que je vous livre. En proposant en 2007 “Fight for Kisses”, un dispositif inspiré des jeux de combat pour la sortie de son rasoir 4 lames traité au titane, Wilkinson a proposé un advergame : les qualités du produit ne servent que de prétexte au jeu. Il met en scène un père dont l’arrivée d’un premier enfant le prive de l’affection de sa femme. Afin de retrouver la tendresse de sa femme, le père se rase pour avoir la peau aussi douce que celle de son bébé, lequel n’apprécie pas cette nouvelle concurrence et provoque son père en duel.

Vous l’avez compris, le serious game est aussi une manière de toucher une nouvelle cible de consommateurs, d’acteurs, comme la génération Y dont nous parlions il y a peu… Et puis, les joueurs de jeux vidéos ne sont plus que des ados attardés, enfin, si mais des ados des années 80/90 qui ont maintenant 40 ans et qui continuent d’être sensibles à ce média assez très attractif.

Lyon a toujours été une place forte des jeux vidéos avec Electronic Arts, Atari, qu’en est-il ?

Et bien Lyon est là encore un précurseur puisque Lyon organise depuis plusieurs années le Serious Game Summit, rebaptisé Serious Game Expo qui a eu milieu encore cette année au Centre des Congrès de Lyon et qui est porté par l’excellent pôle de compétitivité de l’image et des jeux vidéo Imaginove

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